Le cinéma de Fred : Flow, l’extraordinaire animé à voir d’urgence

Fred nous partage son coup de cœur au cinéma pour bien commencer l’année : Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, un long métrage d’animation letto-franco-belge de Gints Zilbalodis.

Prix du jury et prix du public au Festival d’Annecy 2024, nommé dans la catégorie du meilleur film d’animation aux Golden Globes 2025, Flow est un film qui retrace les aventures d’un chat noir forcé de survivre dans un monde en plein déluge. Flow trouve refuge en hauteur pendant que l’eau continue de tout submerger, il finit par se hisser à bord d’une barque de passage et se retrouve en compagnie d’un capibara (gros rongeur). Au fur et à mesure, les deux animaux sont amenés à collaborer avec d’autres espèces : un serpentaire, un labrador et un lémurien, échappés eux-aussi des flots déchaînés qui ont recouvert leurs territoires. Alors que l’eau monte inexorablement au-dessus de la terre, la troupe navigue à travers des paysages étranges et magiques, flottant sur des cités énigmatiques, des forêts luxuriantes complètement immergées et s’entraident dans cette atmosphère de fin du monde dans l’espoir de rejoindre la cime : le point le plus haut. 

Le film propose ainsi une lecture novatrice de l’arche de Noé au moyen d’un récit dépourvu de références bibliques, de dialogue et d’être humains (ça fait du bien). Les décors graphiques sont superbes, les bruitages une impeccable réussite. Rarement un film d’animation aura transmis des émotions aussi poignantes à travers le regard d’un chat. La gestuelle des animaux est fidèle à leurs spécificités. D’un point de vue morphologique, ils ne sont pas humanisés. Ils bougent et se déplacent selon les critères de l’espèce à laquelle ils appartiennent. 

Une charge émotionnelle intense est présente du début à la fin. Elle est renforcée par la mise en scène de l’instinct de survie dont font preuve les espèces représentées. Et cela sans tomber dans le travers des films d’animation modernes qui ont tendance à dénaturer à outrance l’animalité en voulant l’humaniser coûte que coûte. Les comportements, les mimiques et les sons caractéristiques de chaque animal présent à l’écran sont particulièrement réussis et facilement identifiables par les personnes familières des animaux.

Ce film diffuse un sentiment de rêverie, avec le monde aquatique traversé par Flow, il se rapproche de Life of Pi (2012) du réalisateur taiwanais Ang Lee (Tigre et Dragon, Brokeback Mountain), de par la description d’une imagerie qui jongle entre onirisme et réalité mais également par la présence des espèces aquatiques où fourmillent couleurs chatoyantes et diversité. L’approche choisie par le réalisateur offre plusieurs interprétations et c’est là également que le film révèle sa puissance et sa finesse. Rempli de poésie, évitant le sentimentalisme et l’apitoiement, le film est à mi-chemin entre le voyage initiatique d’un jeu virtuel (Stray) et le film d’animation dans lequel les spectateurs s’identifient aux pérégrinations du chat et de ses comparses dont le but ultime est la survivance et le dépassement de soi dans un monde en crise.  

Cinéma : Sans jamais nous connaître (review all of us strangers)

Biographie ou fiction ? Qu’importe. Le cinquième long-métrage du réalisateur britannique Andrew Haigh nous dresse le portrait d’Adam (Andrew Scott, vu dans Pride), un jeune scénariste londonien rongé par l’ennui et la nostalgie vivant dans une tour immense dans la banlieue de Londres où le sentiment d’écrasement se fait sentir. Solitude et claustrophobie sont bouleversées lorsque l’alarme de l’immeuble retentit et qu’il fait la rencontre du seul voisin de l’immeuble (fantasme ou réalité ?). Cette rencontre va réveiller des souvenirs enfouis qui lui permettront d’avancer dans sa vie d’adulte, car l’enfant en lui est blessé et a besoin de se confier à ceux qui lui ont donné la vie. Sans jamais nous connaître évoque la relation passée et pleine de non-dit de cet homme vis- à-vis de ses parents.

Angoissé par un passé difficile auquel chacun de nous peut s’identifier, le principal protagoniste rend régulièrement visite à ses parents pour leur dévoiler sa vie actuelle, ses rencontres, mêlant flash-back issus de son enfance, où s’entremêlent à la fois des scènes imaginaires et réelles avec en filigrane un scénario écrit par le personnage principal pendant le film. Cette mise en abyme contribue à brouiller les pistes et entraîne les spectateurs/spectatrices dans l’esprit du personnage de manière subtile. Le sentiment général du film est que l’on ressort ému, touché et plein de compassion pour ce personnage introverti et plein de regrets.

Le personnage réécrit son passé lui permettant de se projeter dans l’avenir grâce à ce voisin, somme toute bien sympathique à tout point de vue (Paul Mescal, nommé aux Oscars 2023 dans la catégorie meilleur acteur, a décroché le rôle principal dans la suite de Gladiator).
Le parallèle entre deux époques (1984-2024) est astucieusement ficelé et montre les avancées de la communauté homosexuelle, le tube de Frankie goes to Hollywood, The Power of Love, sert de point de départ et fait le lien avec la techno digne d’un club de Berlin.

Le film est ponctué de séquences de confessions avec des gros plans sur les visages de ses jeunes parents incarnés à l’écran par Jamie Bell (Billy Elliott) et Claire Foy (The Crown). Le réalisateur parvient formidablement à nous rendre témoin de scènes touchantes entre Adam et ses parents.

Les avis du CA : Fred, Damien, Didier et Olivier ont beaucoup aimé, Alexis moins, il a un peu de mal avec le fait de réécrire une histoire en faisant parler ceux qui ne sont plus. Mais tous s’accordent à dire que les acteurs et actrice sont excellentes.

 » Le bleu du caftan »

La réalisatrice de ce film, Maryam Touzani, s’exprimait avant la séance et nous disait « L’Amour ne se définit pas »

Dans cette histoire filmée au Maroc, nous découvrons un homme marié à une femme qui vit tout en cachant son homosexualité. Un jeune homme fait son entrée au milieu du couple et va être le déclenchement d’une forme de prise de conscience à l’égard de la tradition qui fait obstacle à la vie.

Mina, la femme d’Halim, au travers d’une lutte contre la maladie et pour la vie, va apporter sa bénédiction à la réelle personnalité de son époux et lui intimera l’ordre de ne plus avoir peur d’aimer.

La fabrication du caftan bleu rythme cette histoire merveilleuse et en sera le fil rouge.

Nous restons les yeux rivés à la beauté des personnages, aux mains de ces deux hommes qui dansent sur le tissu que l’on imagine soyeux et délicat. Les plans resserrés nous maintiennent dans le cercle de cette histoire intime et fabuleuse autour des milles et une façons d’aimer. La sensualité transpire des jeux de regards et des corps qui se frôlent.

Parce que l’amour n’est pas définissable, il peut nous emporter jouer comme ici sur la gamme de ses innombrables facettes. Il doit être à l’image de ce caftan fabuleux : beau, unique, délicat et solide pour tenir contre le temps.

La fin est juste magnifique …..

 » Arrête avec tes mensonges « 

Les regards se croisent, les corps s’attirent, le temps s’arrête. Ces deux êtres s’approuvent et se transportent sur le chemin de la passion amoureuse qui se joue ici sous le sceau du secret. Un secret qui va sceller le drame de deux vies.

« Arrêtons avec nos mensonges » parce que les mensonges de toute façon ne tuent pas l’amour, non…..pas du tout ! Ils tuent juste la possibilité de vivre cet amour pleinement, intensément et au grand jour. L’amour passionnel, lui, reste …..il reste avec violence et acharnement, il fait du mal si on ne l’écoute pas, si on ne l’entend pas. Mensonges aux autres ou bien à nous-mêmes : nous ne serons jamais soulagés.

La «  bulle » est protectrice autant que destructrice

Alors que ceux que l’amour universel dérange se taisent et que ceux qui le vivent osent prendre cette liberté d’exister comme ils/elles le souhaitent.

« On écrit toujours à quelqu’un »

Après avoir vu ce film, j’ai eu tout de suite l’envie d’écrire et de suivre l’auteur de cette histoire pour « écrire à quelqu’un » ou plus exactement à toutes celles et tous ceux qui par tradition, aveuglement, incompréhension ou pure bêtise font se tordre de douleur les amours purs et soyeux, ces amours qui dans l’infinité du temps s’accrochent à nos cœurs et ne meurent jamais.

L’amour n’est-il pas la fine fleur de nos vies ? Est-ce qu’il ne mérite pas que nous nous levions le poing serré et bien haut ? Est-ce qu’il ne mérite pas que, furieusement, nous nous battions contre ce qui l’empêche de fleurir ?

Moi je crois que si, il le mérite. Parce que chaque fois que nous ne nous soulevons pas contre ce qui empêche l’amour de fleurir c’est la mort qui gagne et qui l’emporte encore, brûlant….