Publié en 1949, Confessions d’un masque est le second roman de l’écrivain japonais Yukio Mishima. Il relate l’histoire d’un adolescent prénommé Kôchan pendant la période impérialiste japonaise avec en toile de fond le conflit de la seconde guerre mondiale.
Kôchan est un jeune garçon malingre et peu assuré qui lutte au quotidien pour exister aux yeux des autres garçons de son âge jusqu’à la rencontre avec Ômi pour lequel des sentiments contrariés vont se manifester. « Et il plaqua soudain contre mes joues en feu ses gants humides de neige. Je me jetai de côté. Une vive sensation de volupté incendia mon visage, le marquant au fer rouge. Je me surpris à fixer mon camarade d’un regard limpide. – Dès cet instant, je fus amoureux d’Ômi.»
Le roman provoque un sentiment de mal-être renforcé par les obsessions du personnage principal qui n’est autre que l’auteur se cachant derrière le masque de sa création.
A travers ce roman autobiographique, il se met en scène et se dissimule derrière le Kôchan qui partage ses souvenirs d’enfance, d’adolescence et de jeune adulte. Kôchan ne tarde pas à être victime de ses idées fixes sur ce camarade, Ômi, qui incarne la perfection absolue : « Pendant les cours, ou sur le terrain de sport, je ne cessais de le suivre du regard, et ainsi je finis par façonner une vision rêvée, absolument parfaite. »
Tiraillé, Kôchan ne parvient pas à sortir du paradoxe qui le mine : « Et dans ce vertige, deux forces contradictoires se disputaient l’hégémonie. D’une part l’instinct de conservation, d’autre part, un désir plus profond, plus impérieux qui me poussait à démolir mon équilibre. Il s’agissait de cette impulsion subtile et secrète à laquelle on s’abandonne souvent de façon inconsciente : la tentation du suicide. »
Ces pensées vont poursuivre le protagoniste (l’auteur, en réalité) toute sa vie. Malgré les subterfuges utilisés et les masques revêtus, les compulsions continueront à lui miner le corps et l’esprit. Il projette ces angoisses sur les figures gréco-romaines (symbole de l’homoérotisme et de la masculinité dans toute leur splendeur). Kôchan se perd dans son imaginaire, interprète les moindres paroles, faits et gestes de ses camarades pour y déceler l’innommable à ses yeux : « Ômi avait lu que je l’aimais, lui et lui seul. »
Ces sentiments contraires et cette résistance à toute tentation vont pousser Kôchan à s’auto-persuader que : « c’était de la jalousie. Une jalousie si féroce qu’elle me poussait à renoncer à mon amour pour lui. »
Kôchan met en place des mécanismes de protection afin de se protéger de ses pulsions, des ruminations et autres pensées gluantes qui alimentent son syndrome dépressif.
Le roman compare la vie humaine à une scène de théâtre où chaque personnage, chaque être revêt un masque pour cacher son visage. Kôchan dissimule sa culpabilité et ses incertitudes en exerçant un contrôle sur sa conscience afin de devenir une personne asociale pleine de suffisance.
Le roman mêle subtilement croyances, et pulsions en convoquant le champ lexical de l’ésotérisme : « J’adhérai instinctivement au dogme de la mort, si répandu en temps de guerre. Puis tu sélectionnes parmi eux la victime de ton prochain rituel impie. »
Le roman possède des qualités indéniables ; l’écriture dégage une profonde tristesse et montre les injonctions bouleversantes d’un être torturé : « puisque le rideau n’allait pas tarder à tomber, j’aurais dû mettre plus de zèle à interpréter les scènes de mon théâtre masqué dont j’étais le seul spectateur » ; « ces pensées obsessionnelles me torturaient, mettant aussitôt en pièces, dès que j’étais sûr de l’avoir enfin acquis, le plus intime fragment de bonheur » ; « conséquences du système d’autodiscipline que je m’étais imposé dès le début de mon adolescence, je préférai mourir plutôt que de devenir un indécis, une femmelette, un être incapable de marquer clairement ses préférences et ses aversions, un être qui, ignorant ce qu’est aimer, ne rêve que d’une chose : être aimé. »
Ce roman précurseur au sujet transgressif est un tour de force dans lequel la psychologie, les sentiments amoureux et les relations se reflètent tels : « d’horribles reflets éblouissants. » comme l’auteur le souligne en dernière page.