Le 1er décembre 2021 a lieu la journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA et la sérophobie.
La pandémie mondiale liée au virus de la COVID ne doit pas faire oublier cet autre virus qu’est le VIH, à l’origine d’une autre pandémie mondiale qui dure depuis les années 80… Plus de 40 ans déjà de lutte contre ce fléau, pour lequel, il n’y a toujours pas de vaccin disponible.
Cette année, COMIN-G a souhaité mettre en lumière un autre volet de la lutte contre le VIH/SIDA, la sérophobie.
Qu’est-ce que la sérophobie ?
Quand la peur du VIH devient la peur et/ou le rejet des personnes vivant avec le VIH, on appelle cela de la sérophobie. Cela constitue une discrimination à l’encontre des personnes séropositives.
COMIN-G a demandé à deux collègues vivant avec le VIH de bien vouloir apporter leur témoignage. Voici leurs réponses (les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat).
- As-tu déjà parlé de ta sérologie dans ton environnement professionnel ? Pourquoi ?
Robert : « Je n’en ai parlé que trois fois :
- A une collègue qui est devenue une amie. Je travaillais en binôme avec elle, j’avais souvent des moments de fatigue et je savais qu’elle serait disposée à l’entendre (et j’ai eu raison)
- A un jeune collègue qui s’est découvert “séropo” et qui me sachant homosexuel, s’est confié; je l’ai rassuré en lui expliquant l’efficacité des traitements et en lui montrant que je vivais normalement.
- A une responsable d’un service avec lequel je travaillais, car elle me trouvait amaigri et fatigué, et je lui ai fait confiance (et j’ai eu raison)
Pour moi, il ne faut en parler qu’en cas d’extrême nécessité et pas avec tout le monde. »
Gilles : « Pour ma part, j’en ai parlé plusieurs fois au cours de mon parcours professionnel :
- La première fois, lors de la visite de la médecine du travail : j’ai senti le besoin de lui en parler.
- La seconde fois, à une collègue qui m’avait demandé pourquoi j’avais autant de rendez-vous médicaux sur une aussi courte période. On était souvent en lien même en dehors du boulot, je me suis senti en confiance.
- La troisième personne est une collègue aussi (oui j’ai beaucoup de collègues femmes dans mon entourage 😉) avec qui j’avais une conversation sur le sujet et je l’ai trouvé très réceptive. Je me suis dis « pourquoi pas ? » et maintenant on est amis.
- Enfin, la dernière est la médecin de prévention, pendant le confinement, et franchement, cela a été très difficile pour moi car face à cette personne je me suis senti un peu rabaissé.
Je pense qu’en parler peut libérer mais il faut faire attention à qui on en parle.»
- As-tu été victime de sérophobie ou entendu des réflexions sérophobes au travail ?
Robert : « Non, car je me suis caché aux yeux des autres et j’ai serré les dents , y compris pendant les périodes difficiles, notamment lors d’une série de déboires médicaux. »
Gilles : « Non plus, je fais en sorte de préserver cette partie là de ma vie. Je pars de l’adage « pour vivre tranquille, vivons caché », c’est bête, mais je n’ai pas envie de rater des opportunités à cause des jugements de personnes qui risquent de mettre en avant ma maladie au lieu de prendre en compte mes compétences. »
- Quelle action voudrais-tu que le ministère et l’association portent pour aller plus loin dans la lutte contre le SIDA/VIH et la sérophobie ?
Robert : « La prévention devrait être réaffirmée. Il faut expliquer sans cesse comment se fait la contamination pour éviter les bêtises autour du VIH surtout en ces temps de pandémie! Le VIH n’a rien à voir avec la COVID.
Une action particulière pourrait être faite vis à vis des jeunes collègues : rappeler qu’il existe des traitements efficaces qui rendent les “séropos” non contaminants et qu’il existe, au delà des mesures prophylactiques, notamment les préservatifs, la PREP qui est une mesure de prévention à l’égal de la pilule. En France, tout existe pour que le VIH se vive médicalement comme une maladie chronique.
Concernant les collègues “séropos”, il faut absolument les inciter à le signaler à la médecine de prévention. Cela peut ouvrir des droits, notamment par la reconnaissance du statut de travailleur handicapé qui peut permettre d’octroyer par exemple un temps partiel de droit.
Cependant, je pense que le meilleur moyen de lutte contre la sérophobie, en attendant de trouver un vaccin contre la connerie, est de ne pas inciter les collègues à parler de leur maladie à tout va : pour moi cela relève du domaine privé, et donc cela fait partie du secret médical. Ce n’est pas un acte anodin, et ce n’est en rien un acte d’affirmation de soi et de sa nature. »
Gilles : « Je pense que le ministère pourrait aller plus loin et appliquer une politique de prévention plus poussée.
Dans ma direction, je ne vois pas d’affiches ou de numéro d’information pour aider les gens sur ce sujet. Je n’ai pas eu vent de cas de sérophobie mais je ne pense pas être le seul à être dans cette situation.
Les ministères (en général) devraient prendre ce sujet plus à cœur et ne pas juste faire une publication sur leur intranet local pour se donner bonne conscience comme pour la journée mondiale contre l’homophobie (le 17 mai pour rappel).
Certes c’est un sujet personnel et confidentiel qui doit être indiqué au médecin de prévention pour information. Je ne considère aucunement ça comme un handicap bien au contraire. Après, il est vrai que les médecins de prévention sont là pour nous aider même si j’en ai pas ressenti l’utilité.
Concernant l’association, je trouve qu’elle joue un rôle dans la prévention chaque année en proposant des actions variées sur le sujet. »
Robert : « Pour conclure, si la plupart d’entre nous avons une vie normale, on en a quand même un petit truc en plus qui parfois est plus ou moins facile à supporter tant physiquement (les traitements ne sont pas anodins) que moralement. »
Gilles : « Je rejoins Robert pour dire que nous vivions avec un petit truc en plus qui peut nous atteindre moralement de temps en temps. Pour conclure, je pense que qu’il ne faut pas hésiter à contacter des associations pour parler si besoin. »
COMIN-G remercie Robert et Gilles pour la sincérité de leur témoignage. On comprend au travers de leurs expériences que la peur de subir une discrimination à raison de leur état de santé est bien réelle, et, faut-il le rappeler, que ce n’est pas systématiquement lié à une discrimination à raison de l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, le virus du VIH ne fait pas de distinction entre les personnes.
Si vous subissez ou voyez quelqu’un subir de la sérophobie, n’hésitez pas à prendre contact avec l’association à l’adresse contact [arobase] comin-g [point] org. COMIN-G peut vous accompagner pour signaler les faits auprès des acteurs de prévention ou des services des ressources humaines, ou dans la saisine du Défenseur des Droits ou en cas de plainte.
Il existe différents organismes pour vous écouter, comme par exemple :
SIDA INFO SERVICE : 0800 840 800
AIDES (https://www.aides.org) et l’association des SEROPOTES : Groupe de paroles DISpositif à votre écoute au SPOT Beaumarchais à Paris 0153690406 ou spotbeaumarchais [arobase] aides [point] org
CeGIDD (Centres Gratuits d’Information, de Dépistage et de Diagnostic) : https://vih.org/cegidd/
MsieurDam, référent prévention de l’association COMIN-G